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Aliénation parentale : Se protéger d’un manipulateur


Psychologies : Qu’est-ce que l’aliénation parentale ? En quoi diffère-t-elle d’un simple dénigrement de l’autre parent après une séparation ?

Christel Petitcollin : Il est fréquent, lors d’une séparation ou d’un divorce, que les parents aient du mal à cacher leur ressentiment l’un envers l’autre. On parle d’aliénation parentale quand la situation est bien plus grave. Lorsque l’un des deux parents s’avère être un manipulateur et cherche à instrumentaliser son enfant pour punir l’autre parent. Son attitude lui dit : “tu n’auras mon amour que si tu détestes l’autre”. Il va alors mettre toute son obstination à rabaisser et discréditer l’autre parent, jusqu’à ce que l’enfant finisse par le faire de lui-même.

L’enfant, lui, va avoir naturellement tendance à protéger le parent le plus fragile, et donc, paradoxalement, le parent manipulateur. Parce qu’il comprend que l’amour du parent sain est inconditionnel, alors que l’amour du parent malsain, lui, est conditionnel. Par loyauté, il va donc se plier à ses conditions. Et l’on peut alors se retrouver dans des situations dramatiques, où l’enfant refuse de voir son autre parent, ne veut plus lui parler, et va jusqu’à le haïr.

Comment sortir d’une situation d’aliénation parentale avérée ?

Christel Petitcollin : L’aliénation parentale n’est possible qu’avec la collaboration du parent sain. Il y en a un qui dénigre, et l’autre qui ne se défend pas. Un qui attaque, et l’autre qui se justifie maladroitement. Il est donc impératif que le parent sain, avec ou sans aide, parvienne à sortir de l’emprise du parent manipulateur. Il faut qu’il réussisse à se centrer, à bien se positionner et à résister à la tentative d’aliénation de l’autre parent. C’est un jeu à deux. Si l’un des deux y met fin, la partie est finie.

Prenons un exemple, rencontré il y a peu en consultation : un enfant revient de chez son père et dit à sa mère “Tu es méchante, tu veux prendre tous les sous de papa”. Si la mère commence à se justifier, ou si elle n’ose rien dire pour ne pas rentrer dans l’escalade de la calomnie, l’enfant ne peut pas se positionner. Elle doit mettre un terme à cela. “Ce que tu dis, c’est ce que pense ton papa. C’est son avis. Mais ce n’est pas la réalité et ce n’est pas vrai”. Et c’est tout. Il faut mettre une barrière et dire stop, avec des mots simples. Et il faut rassurer l’enfant avec ce que l’on appelle en psychologie des truismes, qui sont en fait des évidences : “Tu as le droit d’aimer tes deux parents, tu as le droit de ne pas prendre parti, les histoires des adultes appartiennent aux adultes, les affaires de justice entre eux ne te regardent pas”. Il faut redonner à l’enfant la permission de rester en dehors de tout cela. Et le parent sain peut aussi s’adresser au parent manipulateur en présence de l’enfant : “Je t’interdis d’utiliser notre enfant pour faire passer tes messages” et se tourner vers l’enfant : “Papa (ou maman) est assez grand(e) pour me dire tout seul ce qu’il ou elle a à me dire, tu peux rester en dehors de ça”. L’interdit est posé.

Les enfants, même une fois adultes, ne peuvent pas sortir seuls de cette relation toxique. Tant que le parent sain cautionne les déviances du parent malsain, tant qu’il montre que l’on peut s’essuyer sur lui comme sur un paillasson, l’enfant ne peut pas se positionner. S’il a comme modèles un parent méchant mais qui lui semble plus fort, et un gentil plus faible, il va choisir le plus fort, même si c’est le méchant. Il faut lui montrer que l’on peut être gentil ET fort. Le parent victime doit impérativement reprendre le dessus avant que le lien entre l’enfant et lui ne soit complètement coupé. Après, il devient très difficile de revenir sur ce qui a été cassé.

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